Robert Berthe Maurice
Alfred
Lieutenant
7ème régiment
d’infanterie coloniale
Classe : 1915
Recrutement :
Bar-le-Duc
Mort pour la France le 25
septembre 1915
à Ambce 3/151 à
Chaudefontaine (Marne)
Suites de blessures de
guerre
Né le 25 mars 1895
A Villié-Morgon (Rhône)
Au petit jour
[du 21 juin 1916], nous atteignons enfin Haudainville. Le sergent-major Charlet qui est
venu à notre rencontre ne nous reconnaît pas avec nos barbes de cinq ou six
jours, nos figures noircies par la poudre, notre amaigrissement, notre air
hagard, nos capotes maculées de sang. En arrivant nous buvons toute l’eau des
fontaines, nous nous décrassons, j’écris une carte à ma mère pour la rassurer
sur mon sort et, à peine allongés sur le foin, nous sombrons dans un profond
sommeil.
Consternation
à notre réveil ! Cette nuit même il va falloir repartir. Quelques heures
après notre départ les Allemands ont déclenché une grande offensive sur le
front que nous venions de quitter. Ils ont progressé. Le 54 qui nous a relevé a
été anéanti ou fait prisonnier et, avec lui, notre chef de bataillon et nos cinq
commandants de compagnie qui étaient restés derrière nous pour passer les
consignes.
On parle de
nous faire contre-attaquer, mais comme notre régiment est réduit à bien peu de
chose, privé d’officiers et écrasé de fatigue, le commandement y renonce. Il va
nous renvoyer en avant sur des positions de repli.
Il parait qu’au premier bataillon les réactions ont
été assez vives, mais le commandant Perret, qui connaît ses hommes, a compris
qu’il ne s’agissait pas d’une mutinerie, mais d’un mouvement de désespoir. Il a
su leur parler et les décider à remonter. Il vient de perdre lui-même son fils
unique. C’est au nom des morts qu’il a parlé à ceux qui sont encore vivants.
Cette journée de repos nous a quand même rendu quelques forces et, à deux
heures du matin nous repartons.
(Mémoires de Jean Médard,
1970 – 3ème partie : La guerre)
Robert Perret est le fils d’Adrien
Perret (1863-1946), officier d’active, qui était commandant au moment de la
mort de son fils, et de Gabrielle Delafond (1874-1904).
C’est un don[1]
fait en 2014 par la famille du colonel Perret aux archives départementales de
la Marne qui m’a permis de découvrir le prénom du colonel et celui de son
fils (Mémoire des hommes
répertoriant 500 Perret morts pour la France en 14-18, il n’avait pas été possible
de l’identifier à partir de leur base de données).
La notice concernant ce don
contient une courte biographie :
« Militaire
et veuf, Adrien Perret a deux enfants : Robert qui prépare Saint-Cyr et
Paule. Reçu à Saint-Cyr comme tous les admissibles en raison de la guerre,
Robert Perret est formé et incorporé comme sous-lieutenant au 7e
régiment d’infanterie coloniale. Il décède à la Main de Massiges (Marne) en
1915.
A la suite
de ce décès, Adrien Perret, qui est cavalier, demande à joindre l’infanterie
pour connaître ce qu’avait vécu son fils. Il est affecté comme chef de
bataillon au 132e régiment d’infanterie de Reims dont il prendra
le commandement en 1917. Il participe notamment aux combats du Chemin des
Dames. Il a été cité plusieurs fois et a reçu de nombreuses
décorations. »
C’est d’ailleurs à partir du Chemin des Dames que
son nom revient de plus en plus souvent sous la plume de Jean. En effet, en
plein combat, le commandant Perret a pris la relève du colonel Théron blessé
le premier jour de l’offensive. Et c’est à Jean qu’il revient de lui annoncer
sa nomination au grade de lieutenant-colonel :
« – Mon commandant, je vous apporte un
message qui vous fera plaisir.
– Médard, je n’oublierai pas que c’est
vous qui êtes le messager de cette bonne nouvelle.
Le colonel
Perret a été en effet toujours bienveillant envers moi. » écrit Jean dans ses mémoires. Ils se côtoieront
ensuite jusqu’à la fin de la guerre.
Par ailleurs, le blog Reims 14-18 met en ligne une biographie très intéressante du
colonel Perret, écrite par son petit-fils Ph. Gauvain. Quelques lignes sont
consacrées à la mort de Robert : « Il
[le commandant Perret] descend
ensuite dans la Marne et se trouve en position à La Veuve et Dampierre à
quelques kilomètres de son fils au moment du drame qu’il va vivre. Le 25
septembre, l’armée attaque sur la ligne qui va de Châlons à Sainte-Menehould.
Robert à Ville-sur-Tourbe en première ligne, monte à l’assaut de la Main de
Massiges. Il est tué dès le début de l’action et Adrien ne l’apprendra que le
12 octobre, après plus de quinze jours peuplés d’attente, de crainte,
d’espoir, d’angoisse. Il vivra ce malheur avec beaucoup de courage. »
HF (31/12/2016)
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[1] Ce don comprend essentiellement la correspondance 1914-1918 d’Adrien Perret, ainsi que d’autres documents en rapport avec la guerre.