Daniel
Sergent
170ème
régiment d’infanterie
Classe :
1905
Recrutement :
Épinal
Mort
pour la France le 14 mars 1915
Tué
à l’ennemi
à
Mesnil-les-Hurlus (Marne)
Né
le 9 novembre 1885
à
Thann (Haut-Rhin)
Tout mon
esprit est occupé d’une famille d’ici, 2 fils tués à l’ennemi en 15 jours. Ce
sont des industriels très généreux et actifs. La visite que j’ai faite hier m’a
beaucoup impressionné : une énergie extraordinaire, déroutante, nette,
consciente, avec une foi religieuse des plus vagues. Je dois faire le service
demain, tu juges avec quelle anxiété.
(Albert
Léo à Jean – 30 avril 1915)
Avant-hier
nous étions invités à déjeuner chez les Scheurer, le capitaine de Ronseray et
moi. La neige, qui avait presque complètement disparu la veille sous la pluie
chaude, était retombée très abondante pendant la nuit. De la salle à manger qui
donne par une large baie sur la montagne, c’était éblouissant et féerique. Et
dans ce cadre les hôtes qui sont toujours une leçon vivante de courage et de
bonté. De Trévise était là. La conversation s’est égarée sur le terrain
politique et dans la discussion Mr Scheurer a apporté de la droiture, de la
fermeté, de la courtoisie, des vastes connaissances et une vaste intelligence.
C’est épatant. Il y a très souvent diversité de vue entre ses hôtes et lui, car
ses hôtes, quand ce sont des militaires de carrière, sont réactionnaires, et
lui est un républicain convaincu, frère de Scheurer-Kestner, président du Sénat
et défenseur de Dreyfus.
(Jean
à sa mère – 10 janvier 1918)
Pierre et Daniel Scheurer étaient les fils de Jules
Scheurer (1852-1942) et de Marie-Anne Dollfus (1863-1942). Les Scheurer
avaient aussi une fille, Antoinette (1900-2003). Jules Scheurer était un
industriel du textile. Entre 1920 et 1927, il a été sénateur du Haut-Rhin.
Daniel Scheurer avait épousé en 1910 Geneviève Favre, née en 1889. Le 11 mars 1915, trois jours avant sa mort, il lui écrit :
« Je
t’écris d’un gourbi en plancher car, ici, il ne reste pas une maison debout. Je
n’ai jamais vu une destruction pareille. Ici, c’est l’image laide de la guerre
avec des routes défoncées, une boue terrible, des convois qui n’en finissent
pas. Mais cependant, nous sommes encore à quelque distance de la ligne de feu.
Je ne sais pas ce qu’on va nous demander, mais je crois que cela ne saurait
tarder. C’est bien notre tour, maintenant ». Daniel Scheurer interrompt sa lettre pour répondre aux questions du
général venu en tournée d’inspection dans la tranchée que défend le 170ème
RI. Puis il reprend la plume : « J’ai
rencontré des Alsaciens, dont un de Wattwiller et nous avons parlé notre cher
vieux patois. Mes poilus sont assis près de moi et nous sommes comme de vrais
sauvages, boueux et sales. Le canon n’arrête pas et il y a ici un mouvement qui
rappelle les Champs Élysées à cinq heures, mais avec moins d’élégance ».
(Merci à Isabelle Beauvineau, qui m’a autorisée à citer ici cette lettre de son grand-oncle Daniel Scheurer.)
Dans sa lettre à Jean du 30 avril 1915, Albert Léo
ne cite pas le nom des Scheurer, ni bien sûr – censure oblige – l’endroit où
il se trouve.
Mais lorsque les hasards de la guerre amèneront le
132ème R.I. à Thann, en Alsace, Jean lui aussi sera très fréquemment
l’hôte des Scheurer (il mentionne, entre juin 1917 et janvier 1918, une
quarantaine de visites !). Dans ses lettres à sa mère, il parle d’eux
avec admiration et affection, mais toujours de manière très brève, sauf dans
sa lettre du 10 janvier 1918, citée ci-dessus.
HF
(01/07/2015)
Source
pour la
lettre de Daniel Scheurer, les informations sur Antoinette Scheurer et Geneviève Favre :
Généanet, arbre Isabelle Beauvineau-Debrot.
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