ROUFFIAC
Jean
Sous-lieutenant
104ème régiment d’infanterie
Classe : 1905
Recrutement : Roanne
Mort pour la France le 25 septembre 1915
à Auberive
Inhumé à Mourmelon-le-Grand (Marne)
Tué à l’ennemi
Né le 8 mai 1885
à Moret-sous-Loing (Seine et Marne)
[Edmond] Mercier m’écrit aussi, très ému par la mort de [Jean] Rouffiac qu’il suffragait à Bolbec et qui était un type extrêmement distingué.
(Jean à sa mère - 13 octobre 1915)
Source : Revue de théologie et de philosophie, 1915
Mise en ligne par Revues numérisées
JEAN ROUFFIAC 1885-1915
Le jeune pasteur français à la mémoire duquel ces lignes sont consacrées, ne s'était pas fait connaître encore du grand public, mais il avait attiré très tôt l'attention de ses maîtres par l'étendue de sa culture et la ferveur de ses convictions religieuses.
L'église réformée de France comptait sur lui comme sur l'une de ses meilleures forces. Élève de l'École préparatoire de théologie des Batignolles, puis de la Faculté de Paris, il conquit successivement le grade de licencié ès lettres en Sorbonne et de bachelier en théologie. Après avoir achevé ses semestres à Paris il passa deux ans à l'université de Berlin, puis un hiver dans l'église française d'Édimbourg ; rentré en France il fut nommé sous-directeur de l'École dans laquelle il avait fait ses études préparatoires. Il venait d'être consacré et de répondre à l'appel que lui avait adressé l'église de Bolbec (Seine-Inférieure) quand la guerre éclata. Adjudant, puis sous-lieutenant, il se distingua par sa droiture et sa générosité et conquit le respect de ses chefs et de ses soldats. Il est tombé le 25 septembre, en Champagne, à la tête de ses hommes ; il n'avait que trente ans.
Sa thèse de baccalauréat en théologie, intitulée La personne de Jésus chez les Pères apostoliques (Paris, 1908), lui avait valu la mention « distinction », honneur dont les jurys universitaires ne sont pas prodigues. Ce travail, disait l'un de ses juges, « se distingue par une maturité et une pondération de jugement qu'on ne trouve que rarement chez les jeunes gens au moment où ils quittent les bancs de l'École ». […]
Au terme de sa première année de théologie déjà (en 1905), Rouffiac avait obtenu le prix annuel pour un mémoire sur le caractère général de la langue du quatrième évangile, mis au concours par la Faculté, et le jury n'avait eu que des éloges pour le jeune étudiant, dont il avait jugé le travail tout à fait remarquable. Il faut attribuer sans doute aux lectures faites pour préparer ce concours la prédilection que le jeune étudiant marqua dès lors pour l'étude philologique du Nouveau Testament, qu'il poursuivit à l'École des Hautes Études sous la direction de Jean Réville, puis de M. Eugène de Faye.
Admirablement préparé comme il l'était, il fut tout naturellement attiré, pendant son séjour à Berlin par l'enseignement d'Adolf Deissmann, qui venait de publier, sous le titre de Licht vom Osten, son grand ouvrage sur le Nouveau Testament dans ses relations avec la civilisation hellénistique. Il suivit les cours et prit part aux travaux du séminaire dirigé par ce maître ; c'est Deissmann qui attira son attention sur les inscriptions de Priène, découvertes par Wiegand au cours de ses fouilles en Anatolie et publiées sous les auspices des Musées royaux de Berlin.
À son retour à Paris, Rouffiac obtenait le diplôme de l'École pratique des Hautes Études (Section de sciences religieuses). Son mémoire fut jugé si remarquable qu'il fut publié dans la Bibliothèque de l'École des Hautes Études (vingt-quatrième volume, 2" fascicule ; Paris, Leroux, 1911) ; il prenait ainsi place dans une collection où ont paru déjà tant d'œuvres distinguées sur les origines du christianisme et la première littérature chrétienne. Ce mémoire intitulé Recherches sur les caractères du grec dans le Nouveau Testament d'après les inscriptions de Priène, présente le plus haut intérêt ; l'auteur y marque avec une véritable maîtrise ce que la science du Nouveau Testament doit aux textes grecs récemment mis au jour. […]. Le mémoire fut très remarqué ; il valut à son auteur la médaille d'argent de l'Association pour l'encouragement des études grecques, il le désignait aussi à ses anciens maîtres comme un professeur de l'avenir, ce II a passé brillamment ses examens de licence en théologie quelques mois avant la guerre, et nous avions la certitude, écrit le Doyen de la Faculté de théologie de Paris (1), que ses thèses dont il avait entrepris la préparation, assureraient sa place dans la science théologique française. » Au moment même où la nouvelle de sa mort parvenait à ses amis désolés paraissait à Lausanne le dernier ouvrage sorti de sa plume, la traduction de la première partie de la biographie de Hudson Taylor, le fondateur de la China Inland Mission (1 vol. in-12, de XI, 348 pages ; Lausanne, Mack éd.).
René Guisan.
(1) Dans une émouvante petite notice publiée par le Semeur (novembre 1910), à laquelle nous avons emprunté quelques renseignements.
|