Édouard
Aspirant
132ème régiment d’infanterie
Classe 1914
Recrutement : Marseille
Mort pour la France le 27 septembre 1916
à Bouchavesnes (Somme)
Tué à l’ennemi
Né le 24 juillet 1894
à Marseille (Bouches du Rhône)
Le lendemain
[26 septembre] nous relevons le 106 en première ligne au-delà de la route
Péronne-Bapaume, au sud de Bouchavesnes. Le bombardement est très violent. Je
perds mon meilleur ami, l’aspirant Gétaz, tué d’un éclat d’obus dans la tête.
Il était engagé volontaire, fils du consul de Suisse à Marseille. Ma mère, en
séjour à Marseille à ce moment-là, était en relation avec la sienne et a été
témoin de la douleur de ses parents perdant leur fils unique, un garçon
énergique, mais aussi un artiste. Sur le carnet de croquis retrouvé dans sa
cantine le dernier dessin représentait un « poilu » arrêté devant un
petit tertre surmonté d’une croix de bois
avec cette devise en exergue : « À qui le tour ? »
(Jean
Médard, Mémoires)
Malheureusement
ce n’est pas sans dommage que l’on occupe un secteur glorieux. J’ai perdu
quelques-uns de mes plus chers poilus et surtout un véritable ami, mon meilleur
au 132e, Gétaz. Il a été tué hier par un obus.
Tout
ça m’assombrit un peu naturellement mais j’ai assez de raisons pour ne pas me
laisser aller au chagrin et au découragement. […]
Si
tu es encore à Marseille, et si tu crois devoir le faire avertis la mère de
Gétaz, ou fais la avertir. Son fils était un beau type d’humanité, un vrai
brave. Dès que je le pourrais je lui donnerai moi-même des détails.
(Jean
à sa mère – 28 septembre 1916)
Reparlons
de Gétaz Il est mort sans souffrance dans sa tranchée d’un éclat d’obus en
plein front. Son corps a pu être ramené un peu en arrière et enterré. Il sera
donc facile à retrouver, lorsque cette zone sera libérée des marmites. Je
m’habitue difficilement à l’idée que je ne le retrouverai plus.
(Jean
à sa mère – 1er octobre 1916)
Mais hélas tu
m’apprends la mort de Gétaz si tu savais l’effet que cela me produit et
j’attends sa mère d’un moment à l’autre, sûrement elle viendra me rendre ma
visite.
Je
n’ai point de courage pr lui dire. Je vais aller chez Mr Bruguière. Je ne
pourrai supporter la vue de sa douleur. Un brave garçon, une nature si
sympathique. Je vs ai tjours tous deux devant les yeux !
(Mathilde
à son fils – 2 octobre 1916)
J’ai
vu la tombe de Gétaz et pourrai donner à sa famille tous les renseignements sur
l’emplacement.
(Jean
à sa mère – 3 octobre 1916)
Enfin j’ai
fait hier cette visite que j’appréhendais si fort. Je suis restée 2 heures
auprès de cette pauvre amie et suis sortie de là plus forte que je n’y étais
entrée.
Tante
Fanny m’avait parlé de l’extérieur de la femme (une Impératrice portant
fièrement sa belle tête jeune aux cheveux tous blancs) j’étais un peu intimidée
et bien émue. J’étais attendue et elle m’a mise sur son cœur et m’a longuement
embrassée en m’appelant sa sœur. J’étais si ébranlée que je ne pouvais plus
rien dire – mais elle se possède, elle est si forte si sereine que j’ai taché
de me ressaisir. Il faut être aussi forte et courageuse qu’eux m’a-t-elle dit
mais on sent que l’abime s’est ouvert devant elle. Elle est théosophe de sorte
que j’ai été embarrassée pr lui parler de la seule chose « nécessaire »
de l’amour de Dieu qui console toutes les afflictions. Mais elle m’a dit qu’une
force pr elle très grande était de sentir intensément l’âme de son bien aimé Édouard
unie à la sienne – plus encore dans la mort que dans la vie car la vie la lui
aurait prise un peu.
Elle
m’a beaucoup demandé et beaucoup questionnée sur notre rencontre à Chartèves. Était-il
triste lui toujours si gai, si entrain ? J’ai dû lui dire que je ne
l’avais pas vu très gai ; mais si aimable, si gentil, si beau me parlant
d’elle avec tant d’affection et d’admiration et cela lui a tant fait plaisir.
Son
ami intime à lui lui a dit que Gétaz avait le sentiment qu’il ne reviendrait
pas. T’a-t-il exprimé ce sentiment ? Elle m’a montré des tas et des tas de
photos où tu es sur quelques-unes et que je n’ai pas. Elle me prie de te dire
sa reconnaissance pour tout ce que tu as fait ; si émue en sachant que tu
avais été sur cette tombe. Elle attend ta lettre très anxieusement. Sur
certaines de ces photos il y a les dames parisiennes rencontrées à Chartèves et
sur lesquelles on taquinait ce pauvre Gétaz.
Le
père est effondré ; et sa femme le plaint profondément. Il y avait eu de
telles luttes m’a-t-elle dit. Il ne voulait pas qu’Édouard fut français et son
fils aimait tellement la France qu’il a dû causer à son père cette douleur
d’opter et je suis sûre que s’il s’était senti mourir, il aurait été heureux de
donner sa vie pour elle.
Elle
m’a dit hier des choses que je voudrais te répéter. Lorsqu’il était en danger,
elle le sentait et lui avait dit : Dans ce moment-là « pense à
moi » tu me sentiras près de toi. (Comme je voudrais que tu puisses me
sentir près de toi).
Mr
Bruguière [pasteur de Marseille] a été le lui dire le Lundi soir [2 octobre] après
souper lorsque je l’ai vu entrer m a-t-elle dit j’ai établi une relation entre
vous et lui et j’ai compris ! Ns étions en train de relire la dernière
lettre d’Édouard pendant qu’il était en réserve dans un bois.
Il
parait que vs avez été dans un village ayant pr nom
« Marseille » ? Il me tarde maintenant que tu puisses écrire à
cette pauvre mère, mais je te plains, mon bien chéri d’avoir à remplir ce
devoir. Elle sait que son fils t’aimait beaucoup. Je pense y retourner dans
quelques jours, mais, dès que je te saurai « au repos » je
retournerai à Cette où j’ai hâte de me retrouver avec les tout miens.
(Mathilde
à son fils – 11 octobre 1916)
Dis à Mme
Gétaz, si tu es encore à Marseille, avant d’en partir que j’ai revu ce matin la
tombe de son fils. En très bon état, avec son nom sur une croix, côte à côte
La
tombe sera très facile à trouver.
(Jean
à sa mère – 12 novembre 1916)