A propos des "Pièces jointes"

Ces "Pièces jointes" sont un complément au blog 1914-1918 : une correspondance de guerre où sont publiées les lettres échangées pendant la Première guerre mondiale entre Jean Médard et les siens, en particulier avec sa mère, Mathilde. (Pour toutes les informations sur Jean Médard, se reporter au blog de base).

On trouvera ici un billet sur tous les amis ou camarades morts dont Jean évoque le souvenir. Pour chacun :
- sa fiche de "Mort pour la France" avec sa transcription (en bleu) ; toutes ces fiches proviennent du site Mémoire des hommes ;
- tous les textes de la correspondance et des mémoires de Jean Médard le concernant (en italiques) ;
- dans la mesure du possible, une notice biographique (dans un encadré).
Merci d'avance à tous ceux qui pourraient me communiquer des informations me permettant d'étoffer certaines notices, ou tout simplement me signaler leur parenté avec la personne à qui le billet est consacré. (Mon adresse est dans le blog de base, sous l'onglet A propos du blog.)

Les articles sont publiés dans l'ordre des décès, les morts les plus anciens se trouvent donc en bas de la liste. Pour faciliter d'éventuelles recherches, vous trouverez sous la rubrique "INDEX" une liste alphabétique, avec un lien vers chaque article.

lundi 19 novembre 2018

Alexandre de FAYE (1895-1918)

DE FAYE
Alexandre
Lieutenant
109ème régiment d’infanterie, 3ème compagnie de mitrailleurs
Classe 1915
Recrutement : Seine 3ème bureau
Mort pour la France le 1er octobre 1918
au Bois A 24 tranchée d’Aure nord-ouest de la commune d’Aure (Ardennes)
Tué à l’ennemi
Né le 29 novembre 1915
à Paris (Seine)


Elle [Léo Viguier] me tient au courant de tout : [Pierre] Lestringant toujours à son ambulance, Charles Westphal, le fils de Freddy légèrement blessé à la main, Alex. de Faye malade à Paris, Forel blessé le 28, et pas de nouvelles de lui depuis.
(Jean à sa mère – 13 octobre 1915)

[A Paris, lors d’une permission, Jean va au temple de l’Oratoire écouter un prêche de Wilfrid Monod.]
A la sortie j’ai rencontré des tas d’amis. Mme et Mr Binet, oncle et tante de [Daniel] Loux qui m’ont donné de toutes récentes et bonnes nouvelles de lui ; Mme Laporte ou Lagarde d’Arras, que nous avons vu à Lacaune et ses filles. Wilfred [Monod] et sa femme qui m’ont invité pour le lendemain ; Mlle Viguier que j’avais chargé par avance du programme de ma journée, [Roger] Jézéquel, etc. etc. [Alexandre] de Faye et sa mère, chez qui je suis allé déjeuner avec Jézéquel.
Alexandre de Faye au printemps 1915
Merci à Suzanne Teeuwissen,
qui m'a communiqué la photo.
Il est épatant, il a à peine 20 ans, a l’air d’en avoir 14, est sous-lieutenant d’inf., a commandé sur le front une compagnie pendant plus d’un mois et dans des conditions pas toujours faciles, a un entrain et une énergie qui me font honte. Il a été évacué ds un hôpital de Paris pour une furonculose assez grave et peut passer toutes ses journées chez lui. Sa mère est bien heureuse de l’avoir là, ayant en temps normal à la fois son mari et son fils mobilisés. Nous avons passé l’après-midi au cercle de Vaugirard, dans l’ancien cabinet de Grauss, qu’on a mobilisé pour en faire un lieu de réunion pour ceux d’entre nous qui sommes de passage à Paris ; ns ns sommes retrouvés en assez grand nombre, des amis dont tu ne connais même pas le nom et qui sont quand même de vrais amis. Mme Grauss et Mlle Viguier ont servi le thé. Sur le soir Raoul Allier et sa femme ont fait une apparition. J’ai fait la connaissance du 3ème fils d’Alex. Westphal [Alfred Westphal] qui a l’air très gentil. J’ai dîné, comme lors de mon premier passage, avec Mlle Viguier chez Mme Grauss. Elle s’installe pour l’heure à Paris, où deux de ses sœurs viennent travailler. C’est un milieu épatant, sain et simple, dans une délicieuse installation d’artiste.
[Le lendemain] j’ai enfin pris assez tard le thé chez de Faye et ai regagné le séminaire ou j’ai dîné et fait mes adieux à Mme Monnier.
(Jean à sa mère – 2 novembre 1915)

Comme livre religieux qui rend très vivantes les épîtres de Paul, le « St Paul » de [Eugène] de Faye [théologien protestant, père d’Alexandre de Faye], livre très facile à lire, très bien fait, très intéressant, qui a été pour moi une révélation. Il doit traîner quelque part dans ma chambre ou celle de Suzon.
(Jean à sa mère – 28 janvier 1916)

Hier à Paris, [...] j’ai déjeuné chez Mlle Viguier, toujours épatante, une vraie amie. Malheureusement sa santé est très ébranlée. Elle ne sait pas se ménager, et vient le moment où tout craque. Le soir au cercle j’ai revu Robert Pont, de Faye, Samuel Bost, etc, etc.
(Jean à sa mère – 31 janvier 1916)

De Faye a attrapé une bronchite à la suite d’attaques de gaz. D’autres sont blessés, deux ou trois tués, que je connais à peine.
(Jean à sa mère – 1er avril 1916)

Bonnes lettres d’Alex. de Faye, de [Albert] Léo.
(Jean à sa mère – 1er septembre 1916)

[A Paris] j’ai rencontré Alex. de Faye, chaque fois avec une citation de plus. J’espère le voir Dimanche plus longuement et + complètement.
(Jean à sa mère – 2 novembre 1916)

Nous sommes repartis Mlle [Léo] Viguier et moi par la rue de Vaugirard où les après-midi du Dimanche ont recommencé et où l’on continue à rencontrer beaucoup de chers amis : Albert Meyer, en réforme temporaire de 9 mois qui essayait de passer une licence. Il s’occupe beaucoup et avec succès des lycéens. Alex. de Faye, toujours le même, jeune, heureux de rire, et même de rire comme il vit parce qu’il se sent utile, J-B Couve, etc. etc.
(Jean à sa mère – 7 novembre 1916)

J’ai [mot illisible] les détails que tu me donnes de ta fugue à Paris. Que tu as du jouir de tout cela : je te suis très bien dans ton équipée, serrant des pinces sympathiques, évoquant des souvenirs de Congrès. Alexandre [de Faye], Jean [Monnier] et Henri [Monnier] vivent sous ta plume, mon vieux !
(Daniel Loux à Jean – janvier 1917)

Hier j’ai eu la joie de revoir Alexandre de Faye toujours aussi en train, toujours « follement heureux », très aimé semble-t-il de tous ceux qui l’entourent. Nous avons passé un bon moment ensemble.
(Jean à sa mère – 20 janvier 1918)

Tu me demandes dans ta lettre du 24 où j’ai connu Alexandre de Faye ; je l’ai connu à mon premier séjour à Paris [donc en 1910-1911 pendant l’année où Jean était pensionnaire à Louis-le-Grand], puis à tous les congrès, puis à la faculté où nous avons passé un an ensemble ; enfin depuis la guerre nous nous sommes revus plusieurs fois. Je t’ai certainement parlé de lui. [Effectivement ! ]
(Jean à sa mère – 28 janvier 1918)

Hier grande diversion et grande joie, en sortant des cours du matin je rencontre Alexandre de Faye qui sortait de la gare, rentrant de permission, et traversait la ville [Belfort, où Jean suivait une formation de radiotélégraphie]. Il y restait quelques heures ; nous avons été à la recherche de Suan et avons vu passer un bon moment ensemble après déjeuner. J’ai rarement vu un type aussi decidé, courageux et enthousiaste.
(Jean à sa mère – 8 mars 1918)

Source : Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs (Alençon, 1920)
Lettre d'Alexandre de Faye du 8 mars 1918.
Lui aussi est heureux de cette rencontre inopinée à Belfort !
("M..." est bien sûr Jean Médard et "S..." est Frank Suan.)
Merci à Suzanne Teeuwissen qui m'a communiqué l'ouvrage sur Alexandre de Faye.

La libération s’approche et nos cœurs sont pleins de joie, mais dans toute l’armée la liste des morts ne cesse de s’allonger. Pendant ces derniers mois Charles Grauss, secrétaire général de la Fédé et mon ami Alexandre de Faye ont été tués. Ce n’est pas seulement dans mon amitié pour eux que je me sens frappé, mais dans mon amour pour l’Eglise car ils semblaient destinés à être d’incomparables témoins de Jésus-Christ.
(Jean Médard, Mémoires)

Réunion intime rue de Vaugirard avec quelques anciens de la Fédération, le souvenir de [Charles] Grauss et d’Alex de Faye remplissait nos cœurs.
(Jean à sa mère – 9 octobre 1918)


Alexandre de Faye était le fils du théologien protestant Eugène de Faye (1860-1929).

En 1920, celui-ci fit publier des textes concernant son fils, sous le titre Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs (220 pages).
Source : page de garde du livre Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs
Merci à Suzanne Teeuwissen qui m'a communiqué la numérisation de cet ouvrage.
Eugène de Faye commence chacun des quatre premiers chapitres par « quelques indications indispensables à l’intelligence de ces fragments », suivi d’extraits de lettres de son fils.
Les titres des chapitres (Appel et consécration, Développement et maturité d’âme, L’action fraternelle, Les idées) montrent bien sa volonté de mettre l’accent sur l’engagement chrétien, la vie spirituelle, l’incarnation des idéaux dans le concret, la réflexion intellectuelle.
Le dernier chapitre n’est composé que des lettres de 1918 d’Alexandre de Faye.
Suivent enfin en appendice :
- un projet d’article écrit par Alexandre de Faye au début de 1918 sur le devoir pour les membres de la Fédé d’être avant tout des disciples de Jésus Christ ;
- ses citations et les témoignages et lettres reçues après sa mort (de son colonel, de l’aumônier, etc.).


Les quelques informations qui suivent sont basées sur ces textes. Résumé plus que sommaire du déroulement matériel des évènements, elles ne rendent pas justice au texte d’origine.

Alexandre de Faye, comme Jean, était un membre actif et ardent de la Fédé, la Fédération française des étudiants chrétiens, à laquelle il avait participé dès ses années de lycéen. Il faisait partie du groupe d’amis qui se réunissait à Paris ou ailleurs dès que les circonstances le permettaient. Plusieurs passages de la correspondance de Jean, comme de celle d’Alexandre de Faye, font comprendre à quel point ces rencontres étaient importantes pour eux tous.

La lettre qui suit a été écrite peu de temps après qu’Alexandre de Faye a appris que Jean avait été grièvement blessé au poumon. « M... » est bien sûr Médard.
Source : Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs (Alençon, 1920)
Lettre d'Alexandre de Faye, écrite après la grave blessure de Jean au poumon.
"M..." est bien sûr Médard et "Mlle V..." Léo Viguier.

Arrivé sous les drapeaux fin 1914, Alexandre de Faye, d’abord simple soldat, devient élève-officier. Il rejoint le front en mai 1915, à Notre-Dame-de-Lorette.
Tout de suite, il se fait remarquer par son entrain, son courage, sa capacité à se faire aimer et suivre par ses hommes. S’ensuivent citations et promotions, au grade de sous-lieutenant puis de lieutenant.
A partir du printemps 18, il commande la 3ème compagnie de mitrailleurs. Son colonel obtient pour lui la Légion d’honneur qui lui est remise en juin.
Son chef de bataillon décrit les circonstances de sa mort. Le 1er octobre, debout pour observer à la jumelle les effets d’une action contre une mitrailleuse ennemie, il est atteint en plein front par un éclat d’obus. « Son sous-officier lui fit remarquer qu’il était blessé. ’’Non, répondit de Faye, je suis tué.’’ Et il tomba comme une masse. »

HF (20-23/11/2018)

Un grand merci à Suzanne Teeuwissen pour tous les documents qu’elle m’a communiqués : la photo d’Alexandre de Faye, et la numérisation intégrale du livre Alexandre de Faye. Lettres et souvenirs.