A propos des "Pièces jointes"

Ces "Pièces jointes" sont un complément au blog 1914-1918 : une correspondance de guerre où sont publiées les lettres échangées pendant la Première guerre mondiale entre Jean Médard et les siens, en particulier avec sa mère, Mathilde. (Pour toutes les informations sur Jean Médard, se reporter au blog de base).

On trouvera ici un billet sur tous les amis ou camarades morts dont Jean évoque le souvenir. Pour chacun :
- sa fiche de "Mort pour la France" avec sa transcription (en bleu) ; toutes ces fiches proviennent du site Mémoire des hommes ;
- tous les textes de la correspondance et des mémoires de Jean Médard le concernant (en italiques) ;
- dans la mesure du possible, une notice biographique (dans un encadré).
Merci d'avance à tous ceux qui pourraient me communiquer des informations me permettant d'étoffer certaines notices, ou tout simplement me signaler leur parenté avec la personne à qui le billet est consacré. (Mon adresse est dans le blog de base, sous l'onglet A propos du blog.)

Les articles sont publiés dans l'ordre des décès, les morts les plus anciens se trouvent donc en bas de la liste. Pour faciliter d'éventuelles recherches, vous trouverez sous la rubrique "INDEX" une liste alphabétique, avec un lien vers chaque article.

mardi 20 novembre 2018

Charles GALAIS (1879-1918)

GALAIS
Charles Eugène
Lieutenant
132ème régiment d’infanterie
Classe 1899
Recrutement : Châteauroux
Mort pour la France le 30 octobre 1918
à la ferme de la Motte à Guise (Aisne)
Tué à l’ennemi
Né le 16 mars 1879
à Sainte-Maure (Indre-et-Loire)


T’ai-je dit que [Charles] Galais était blessé… pas grièvement heureusement.
(Jean à sa mère – 19 mai 1917)

Dès que nous avons été installés ici [juste à côté de Nancy] nous avons pris nos vélos ([Pierre] Péchenart, Deconinck, [Charles] Galais, le chef de musique [Victor Garnier] et moi) et 20 minutes après nous étions de nouveau à la ville. Nous sommes rentrés dans une piscine où nous avons fait des plongeons variés et divertissants.
Mes compagnons viennent d’apprendre à nager, et l’eau a pour eux un attrait tout particulier.

(Jean à sa mère – 26 juillet 1918)

Un nouveau bond en avant nous amène le 27 [octobre 1918] aux abords de Guise. Nous perdons encore un officier de notre petit Etat-major, Galais, qui commandait l’équipe du canon de 37. Il sera un des derniers tués car nous sommes relevés dans la nuit du 31 au 1er novembre.
(Jean Médard, Mémoires)

Hier nous avons eu la peine de perdre Galais, l’officier du canon de 37 qui était un excellent camarade. (Le successeur de Soula). Il faisait partie de notre petit groupe de l’Etat Major du régiment et l’on ressent toujours davantage la perte de ceux avec qui on a pris l’habitude de vivre.
(Jean à sa mère – 31 octobre 1918)

Ce pauvre Galais aussi. S’est-il vu mourir ?
(Mathilde à Jean – 9 novembre 1918)


Source : archives départementales de l'Indre
Fiche matricule de Charles Galais
Charles Galais est né le 16 mars 1879, à Sainte-Maure-de-Touraine, de Victor Eugène Galais et d’Andrée Breton.
Source : Gallica, Journal officiel du 17 octobre 1891
 
On trouve son nom dans le Journal officiel du 17 octobre 1891, quand, à l’âge de 12 ans, lui est accordée une bourse d’exernat afin qu’il puisse faire ses études au lycée de Tours. Ce document permet d’apprendre que son père est alors cabaretier dans cette ville.
Ses parents y résident d’ailleurs toujours au moment de l’incorporation de leur fils. Charles Galais est alors étudiant. Il s’engage néanmoins pour quatre ans, de 1897 à 1901.
Après ses années à l’armée, il s’installe à Paris et il y réside jusqu’à sa mobilisation en 1914 (six adresses différentes en treize ans). Sa profession dans le civil n’est pas connue.
Au moment de la mobilisation, il est simple soldat. Nommé caporal le 4 août 1916, il grimpe ensuite les échelon très rapidement : sergent le 15 septembre, sous-lieutenant le 13 octobre.
Il passe alors au 106ème R.I. début octobre 1916 puis quelques semaines plus tard au 132ème.
Source : archives départementales de l'Indre
Fiche matricule de Charles Galais
Après la mort de Lucien Soula (tué au Chemin des Dames le 16 avril 1917) Charles Galais le remplace en tant qu’officier chargé du canon de 37. Jean mentionne une blessure sans gravité en mai 1917 (non signalée sur sa fiche matricule).

La manière familière dont Mathilde l’évoque dans sa lettre du 9 novembre laisse supposer qu’elle connaissait Galais autrement que par les lettres de Jean. Sans doute ce dernier avait-il parlé de lui lors de permissions, puisqu’ils étaient tous deux membres de la petite équipe de l’état-major du régiment.
Source : JMO du 132 R.I. - 30 octobre 1918


Charles Galais a non seulement été, comme le dit Jean été “un des derniers tués”. Il fut LE dernier mort du régiment, l’unique “perte” consignée par le JMO en date du 30 octobre 1918. Les circonstances dans lesquelles il a été tué ne sont pas précisées.
Il est nommé lieutenant à titre posthume, le lendemain de sa mort. Il est également titulaire de la Légion d’honneur.

HF (19/11/2018)

Source pour les informations concernant sa jeunesse : Journal officiel de la République française du 17 octobre 1891 (Année 23, n° 282), mis en ligne par Gallica.

Source pour les autres informations : archives départementales de l’Indre, fiche matricule de Charles Galais (n° matricule 8, vue 13/723).


Charles LAURIOL (1871-1918)

LAURIOL
Edmond Charles Alexandre
Aumônier
Groupe de brancardiers du 38ème corps d’armée
Classe 1916
Recrutement : Marseille
Mort pour la France le 29 octobre 1918
à Senuc (Ardennes)
Blessures de guerre
Né le 27 mai 1871
à Marseille (Bouches-du-Rhône)


On dit que l’armistice est signé. Fanny est venue l’autre nuit me le dire l’ayant appris par Rudy qui avait du rentrer tard. Hélas ce n’était qu’un faux bruit mais espérons que ce sera bientôt la grandiose réalité. Pourra-t-on se réjouir comme on le devrait. Tant de douleurs planent sur tout cela.
Mme Bruguière [la femme du pasteur de Marseille] qui sort d’ici m’apprend la mort sur le front de l’aumonier Lauriol et ns en sommes atterrés.

(Mathilde à Jean – 7 novembre 1918)



Charles Lauriol était le fils de Simon Lauriol (1832-1898) et de Nancy Rancurel (1847-1931).
Il avait épousé Aline Malan (1881-1956), le 18 septembre 1907. Ils avaient deux enfants : Madeleine Andrée et Henri.
Il avait été pasteur à Salon-de-Provence et à Bellocq (Pyrénées atlantiques).

HF (19/11/2018)

Source pour les informations familiales : Généanet, Pasteurs de France (base de données de Roland et Christian Gennerat) et arbre en ligne de Benjamine Lauriol-Laffay.


Jean WAGNER (1896-1918)

WAGNER
Jean André
Sous-lieutenant
54ème régiment d’infanterie
Classe 1916
Recrutement : Seine (4ème bureau)
Mort pour la France le 9 octobre 1918
à Vitry-le-François (Marne)
Maladie contractée en service
Né le 2 juin 1896
à Paris 4ème




As-tu su la mort du fils Wagner, mort de maladie à l’Hôpital. Heureusement, le père n’est plus là.
(Mathilde à Jean – 17 octobre 1918)







Jean Wagner était le fils du pasteur Charles Wagner (1852-1918) et de Fanny Goll (1858-?).
Comme la formulation de Mathilde le laisse supposer, son père était effectivement mort quelque temps auparavant, le 18 mai 1918.

HF (19/11/2018)

Source pour le prénom usuel : Le Semeur de novembre 1918 (mis en ligne par archives.org).

Source pour les informations familiales : Généanet, base Pasteurs de France (Christian Gennerat).


lundi 19 novembre 2018

Alcide HENRY (1891-1918)

HENRY
Alcide Marcelin
Sous-lieutenant
264ème régiment d’infanterie
Classe 1911
Recrutement : Seine 2e/3ème bureau
Mort pour la France le 8 octobre 1918
à l’hôpital auxiliaire 108 Paris XVIème (Seine)
Suite de maladie contractée
Né le 31 janvier 1891
à Paris (Seine) 5èmearrondissement

Le 11 Novembre [1918] nous cantonnons à Ville-sur-Illon. La nouvelle de l’armistice est dans l’air. Je m’impatiente dans le bureau de poste du village parce que le téléphone fonctionne mal.
A 11 heures pourtant nous entendons sonner les cloches des villages voisins et la nouvelle nous est aussitôt confirmée par téléphone. La postière s’est mise à pleurer. Elle a perdu son fils quelques semaines plus tôt.
Nous n’osons pas donner cours à notre joie.

(Jean Médard, Mémoires)



Grâce aux recherches effectuées par l’historienne Colette Thivet, il a été possible d’identifier la receveuse des postes de Villon-sur-Illon en 1918 et celui dont elle pleurait la mort en ce jour de l’armistice.

Née à Bourges en 1864, elle s’appelait Marie Louise CAVAILLET. Elle avait en premières noces épousé Paul Marie Charles HENRY. Le couple vivait à Passavant-la-Rochère (Haute-Saône), où monsieur HENRY était receveur des postes. De leur union était née le 19 mai 1897 une fille, Marguerite Camille.
Devenue veuve en 1902, Marie Louise s’était remariée avec Léon Marie LOUIS, qui décéda à Ville-sur-Illon le 2 mars 1913.
Après ce second veuvage, Marie Louise continua à résider à Ville-sur-Illon, avec sa fille. Et cette dernière y épousa, le 11 février 1918, Alcide HENRY. (HENRY était donc à la fois son nom de jeune fille et son nom d’épouse.)
Il ne semble pas que Marie-Louise ait eu un fils de son premier mari. La peine dont Jean est témoin en ce 11 novembre 1918 concerne donc son gendre, Alcide HENRY, qui était effectivement mort un mois avant l’armistice.

HF (18/11/2018)

Source pour le prénom usuel : monument aux morts de Ville-sur-Illon.

Recherches effectuées par Colette Thivet, à laquelle je réitère mes vifs remerciements.


Alexandre de FAYE (1895-1918)

DE FAYE
Alexandre
Lieutenant
109ème régiment d’infanterie, 3ème compagnie de mitrailleurs
Classe 1915
Recrutement : Seine 3ème bureau
Mort pour la France le 1er octobre 1918
au Bois A 24 tranchée d’Aure nord-ouest de la commune d’Aure (Ardennes)
Tué à l’ennemi
Né le 29 novembre 1915
à Paris (Seine)


Elle [Léo Viguier] me tient au courant de tout : [Pierre] Lestringant toujours à son ambulance, Charles Westphal, le fils de Freddy légèrement blessé à la main, Alex. de Faye malade à Paris, Forel blessé le 28, et pas de nouvelles de lui depuis.
(Jean à sa mère – 13 octobre 1915)

[A Paris, lors d’une permission, Jean va au temple de l’Oratoire écouter un prêche de Wilfrid Monod.]
A la sortie j’ai rencontré des tas d’amis. Mme et Mr Binet, oncle et tante de [Daniel] Loux qui m’ont donné de toutes récentes et bonnes nouvelles de lui ; Mme Laporte ou Lagarde d’Arras, que nous avons vu à Lacaune et ses filles. Wilfred [Monod] et sa femme qui m’ont invité pour le lendemain ; Mlle Viguier que j’avais chargé par avance du programme de ma journée, [Roger] Jézéquel, etc. etc. [Alexandre] de Faye et sa mère, chez qui je suis allé déjeuner avec Jézéquel.
Alexandre de Faye au printemps 1915
Merci à Suzanne Teeuwissen,
qui m'a communiqué la photo.
Il est épatant, il a à peine 20 ans, a l’air d’en avoir 14, est sous-lieutenant d’inf., a commandé sur le front une compagnie pendant plus d’un mois et dans des conditions pas toujours faciles, a un entrain et une énergie qui me font honte. Il a été évacué ds un hôpital de Paris pour une furonculose assez grave et peut passer toutes ses journées chez lui. Sa mère est bien heureuse de l’avoir là, ayant en temps normal à la fois son mari et son fils mobilisés. Nous avons passé l’après-midi au cercle de Vaugirard, dans l’ancien cabinet de Grauss, qu’on a mobilisé pour en faire un lieu de réunion pour ceux d’entre nous qui sommes de passage à Paris ; ns ns sommes retrouvés en assez grand nombre, des amis dont tu ne connais même pas le nom et qui sont quand même de vrais amis. Mme Grauss et Mlle Viguier ont servi le thé. Sur le soir Raoul Allier et sa femme ont fait une apparition. J’ai fait la connaissance du 3ème fils d’Alex. Westphal [Alfred Westphal] qui a l’air très gentil. J’ai dîné, comme lors de mon premier passage, avec Mlle Viguier chez Mme Grauss. Elle s’installe pour l’heure à Paris, où deux de ses sœurs viennent travailler. C’est un milieu épatant, sain et simple, dans une délicieuse installation d’artiste.
[Le lendemain] j’ai enfin pris assez tard le thé chez de Faye et ai regagné le séminaire ou j’ai dîné et fait mes adieux à Mme Monnier.
(Jean à sa mère – 2 novembre 1915)

Comme livre religieux qui rend très vivantes les épîtres de Paul, le « St Paul » de [Eugène] de Faye [théologien protestant, père d’Alexandre de Faye], livre très facile à lire, très bien fait, très intéressant, qui a été pour moi une révélation. Il doit traîner quelque part dans ma chambre ou celle de Suzon.
(Jean à sa mère – 28 janvier 1916)

Hier à Paris, [...] j’ai déjeuné chez Mlle Viguier, toujours épatante, une vraie amie. Malheureusement sa santé est très ébranlée. Elle ne sait pas se ménager, et vient le moment où tout craque. Le soir au cercle j’ai revu Robert Pont, de Faye, Samuel Bost, etc, etc.
(Jean à sa mère – 31 janvier 1916)

De Faye a attrapé une bronchite à la suite d’attaques de gaz. D’autres sont blessés, deux ou trois tués, que je connais à peine.
(Jean à sa mère – 1er avril 1916)

Bonnes lettres d’Alex. de Faye, de [Albert] Léo.
(Jean à sa mère – 1er septembre 1916)

[A Paris] j’ai rencontré Alex. de Faye, chaque fois avec une citation de plus. J’espère le voir Dimanche plus longuement et + complètement.
(Jean à sa mère – 2 novembre 1916)

Nous sommes repartis Mlle [Léo] Viguier et moi par la rue de Vaugirard où les après-midi du Dimanche ont recommencé et où l’on continue à rencontrer beaucoup de chers amis : Albert Meyer, en réforme temporaire de 9 mois qui essayait de passer une licence. Il s’occupe beaucoup et avec succès des lycéens. Alex. de Faye, toujours le même, jeune, heureux de rire, et même de rire comme il vit parce qu’il se sent utile, J-B Couve, etc. etc.
(Jean à sa mère – 7 novembre 1916)

J’ai [mot illisible] les détails que tu me donnes de ta fugue à Paris. Que tu as du jouir de tout cela : je te suis très bien dans ton équipée, serrant des pinces sympathiques, évoquant des souvenirs de Congrès. Alexandre [de Faye], Jean [Monnier] et Henri [Monnier] vivent sous ta plume, mon vieux !
(Daniel Loux à Jean – janvier 1917)

Hier j’ai eu la joie de revoir Alexandre de Faye toujours aussi en train, toujours « follement heureux », très aimé semble-t-il de tous ceux qui l’entourent. Nous avons passé un bon moment ensemble.
(Jean à sa mère – 20 janvier 1918)

Tu me demandes dans ta lettre du 24 où j’ai connu Alexandre de Faye ; je l’ai connu à mon premier séjour à Paris [donc en 1910-1911 pendant l’année où Jean était pensionnaire à Louis-le-Grand], puis à tous les congrès, puis à la faculté où nous avons passé un an ensemble ; enfin depuis la guerre nous nous sommes revus plusieurs fois. Je t’ai certainement parlé de lui. [Effectivement ! ]
(Jean à sa mère – 28 janvier 1918)

Hier grande diversion et grande joie, en sortant des cours du matin je rencontre Alexandre de Faye qui sortait de la gare, rentrant de permission, et traversait la ville [Belfort, où Jean suivait une formation de radiotélégraphie]. Il y restait quelques heures ; nous avons été à la recherche de Suan et avons vu passer un bon moment ensemble après déjeuner. J’ai rarement vu un type aussi decidé, courageux et enthousiaste.
(Jean à sa mère – 8 mars 1918)

Source : Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs (Alençon, 1920)
Lettre d'Alexandre de Faye du 8 mars 1918.
Lui aussi est heureux de cette rencontre inopinée à Belfort !
("M..." est bien sûr Jean Médard et "S..." est Frank Suan.)
Merci à Suzanne Teeuwissen qui m'a communiqué l'ouvrage sur Alexandre de Faye.

La libération s’approche et nos cœurs sont pleins de joie, mais dans toute l’armée la liste des morts ne cesse de s’allonger. Pendant ces derniers mois Charles Grauss, secrétaire général de la Fédé et mon ami Alexandre de Faye ont été tués. Ce n’est pas seulement dans mon amitié pour eux que je me sens frappé, mais dans mon amour pour l’Eglise car ils semblaient destinés à être d’incomparables témoins de Jésus-Christ.
(Jean Médard, Mémoires)

Réunion intime rue de Vaugirard avec quelques anciens de la Fédération, le souvenir de [Charles] Grauss et d’Alex de Faye remplissait nos cœurs.
(Jean à sa mère – 9 octobre 1918)


Alexandre de Faye était le fils du théologien protestant Eugène de Faye (1860-1929).

En 1920, celui-ci fit publier des textes concernant son fils, sous le titre Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs (220 pages).
Source : page de garde du livre Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs
Merci à Suzanne Teeuwissen qui m'a communiqué la numérisation de cet ouvrage.
Eugène de Faye commence chacun des quatre premiers chapitres par « quelques indications indispensables à l’intelligence de ces fragments », suivi d’extraits de lettres de son fils.
Les titres des chapitres (Appel et consécration, Développement et maturité d’âme, L’action fraternelle, Les idées) montrent bien sa volonté de mettre l’accent sur l’engagement chrétien, la vie spirituelle, l’incarnation des idéaux dans le concret, la réflexion intellectuelle.
Le dernier chapitre n’est composé que des lettres de 1918 d’Alexandre de Faye.
Suivent enfin en appendice :
- un projet d’article écrit par Alexandre de Faye au début de 1918 sur le devoir pour les membres de la Fédé d’être avant tout des disciples de Jésus Christ ;
- ses citations et les témoignages et lettres reçues après sa mort (de son colonel, de l’aumônier, etc.).


Les quelques informations qui suivent sont basées sur ces textes. Résumé plus que sommaire du déroulement matériel des évènements, elles ne rendent pas justice au texte d’origine.

Alexandre de Faye, comme Jean, était un membre actif et ardent de la Fédé, la Fédération française des étudiants chrétiens, à laquelle il avait participé dès ses années de lycéen. Il faisait partie du groupe d’amis qui se réunissait à Paris ou ailleurs dès que les circonstances le permettaient. Plusieurs passages de la correspondance de Jean, comme de celle d’Alexandre de Faye, font comprendre à quel point ces rencontres étaient importantes pour eux tous.

La lettre qui suit a été écrite peu de temps après qu’Alexandre de Faye a appris que Jean avait été grièvement blessé au poumon. « M... » est bien sûr Médard.
Source : Alexandre de Faye, Lettres et souvenirs (Alençon, 1920)
Lettre d'Alexandre de Faye, écrite après la grave blessure de Jean au poumon.
"M..." est bien sûr Médard et "Mlle V..." Léo Viguier.

Arrivé sous les drapeaux fin 1914, Alexandre de Faye, d’abord simple soldat, devient élève-officier. Il rejoint le front en mai 1915, à Notre-Dame-de-Lorette.
Tout de suite, il se fait remarquer par son entrain, son courage, sa capacité à se faire aimer et suivre par ses hommes. S’ensuivent citations et promotions, au grade de sous-lieutenant puis de lieutenant.
A partir du printemps 18, il commande la 3ème compagnie de mitrailleurs. Son colonel obtient pour lui la Légion d’honneur qui lui est remise en juin.
Son chef de bataillon décrit les circonstances de sa mort. Le 1er octobre, debout pour observer à la jumelle les effets d’une action contre une mitrailleuse ennemie, il est atteint en plein front par un éclat d’obus. « Son sous-officier lui fit remarquer qu’il était blessé. ’’Non, répondit de Faye, je suis tué.’’ Et il tomba comme une masse. »

HF (20-23/11/2018)

Un grand merci à Suzanne Teeuwissen pour tous les documents qu’elle m’a communiqués : la photo d’Alexandre de Faye, et la numérisation intégrale du livre Alexandre de Faye. Lettres et souvenirs.


Charles GREBERT (1893-1918)

GREBERT
Charles Henri
Soldat
321ème régiment d’infanterie
Classe 1894
Recrutement : Reims
Mort pour la France le 25 septembre 1918
devant Saint-Quentin (Aisne)
Tué à l'ennemi
Né le 5 avril 1893
à Nancy (Meurthe-et-Moselle)


Grébert, que tu as connu au lazaret a été tué le 24 septembre. Encore une perte bien douloureuse.
(Jean à sa mère – 31 septembre 1918)

Voilà Grébert à son tour qui succombe. J’en ai été profondément émue. Il partait avec tant de regrets et puis partir à la fin le sacrifice est encore tellement plus douloureux pour ceux qui restent.
(Mathilde à Jean – 9 octobre 1918)



Source : archives départementales de la Marne
Fiche matricule de Charles Grébert

Charles Grébert était le fils de Martin Grébert, et de Caroline Louise Lett. Sa famille vivait à Reims.
Il était étudiant en théologie.
Source : archives départementales de la Marne
Fiche matricule de Charles Grébert

Charles Grébert semble avoir fait la guerre en tant qu’infirmier. C’est peut-être es-qualité qu’il a rencontré Mathilde au Lazaret, car aucune blessure n’est mentionnée sur sa fiche matricule. Il semble pourtant avoir été au front en permanence dans différents régiments.

HF (18/11/2018)

Source pour le prénom usuel : Le Semeur de novembre 1918, (mis en ligne par archives.org)

Source pour les autres informations : archives départementales de la Marne, fiche matricule de Charles Grébert, (n° matricule 1474, vue 680/1383).


dimanche 18 novembre 2018

René COLIGNON (1897-1918)


COLIGNON
René Ernest
Sous-lieutenant
132ème régiment d’infanterie
Classe 1917
Recrutement : Compiègne
Mort pour la France le 26 août 1918
à Saint-Mard (Somme)
Tué à l'ennemi
Né le 7 septembre 1897
à Compiègne (Oise)




Avant-hier le régiment a attaqué avec 4 compagnies un village qui était un pillier de la défense boche. Nous avons réussi au-delà de toute espérance, dépassant tous nos objectifs, faisant plus de 500 prisonniers, 25 officiers, un chef de bataillon, et prenant un nombre incalculable de mitrailleuses.
Nous avons eu très peu de pertes, 3 officiers tués malheureusement.

(Jean à sa mère – 29 août 1918)

[Jean a d'abord écrit 3, il a rayé et remplacé le 3 par un 2, puis transformé son 2 en 3. Le JMO ne mentionne que deux officiers tués : le commandant Piet, dont Jean évoque brièvement l'inhumation dans sa lettre du 30 août et dans ses mémoires et le sous-lieutenant Colignon, que Jean ne nomme pas.]



Source : archives départementales de l'Oise
Fiche matricule de René Colignon
René Colignon était le fils d’Ernest Colignon et d’Augustine Grégoire.
Mobilisé comme soldat de 2ème classe en 1916, René Colignon avait rapidement été promu jusqu’au grade de sous-lieutenant.
Source : archives départementales de l'Oise
Fiche matricule de René Colignon


Sa fiche matricule donne quelques précisions sur les circonstances de sa mort :

HF (17/11/2018)

Source : archives départementales de l'Oise, fiche matricule de René Colignon , (matricule n° 1126).


Bernard PIET (1874-1918)

PIET
Bernard Ferdinand
Chef de bataillon
132ème régiment d’infanterie
Classe 1894
Recrutement : Fontenay-le-Comte
Mort pour la France le 26 août 1918
au combat de la (Somme) Saint-Mard
Tué à l'ennemi
Né le 28 novembre 1874
à La Réole (Gironde)




A la nuit tombante [du 26 août 1918] nous entrons dans Roye, occupons la ville et nous installons au-delà. Nous sommes relevés et la division continue sa marche en avant vers Moyencourt et le canal du Nord. Ces succès nous remplissent naturellement de joie, mais, à chaque affaire nous laissons quelques plumes bien que nos pertes ne soient pas comparables à celles des années précédentes. J’ai encore l’occasion de remplir les fonctions d’aumônier et préside à l’inhumation du Commandant Piet, qui avait remplacé le Capitaine Delahaye à la tête du 3ème bataillon et que je connaissais peu.
(Jean Médard, Mémoires)

J’ai fait l’autre jour l’enterrement d’un de nos chefs de Bataillon, le Cdt Piet qui était un piètre protestant, mais un chic soldat.
(Jean à sa mère – 30 août 1918)



Source : archives départementales de Vendée
Fiche matricule de Bernard Piet
Bernard Piet était le fils de Jean François Piet et de Marie Archu, domiciliés à Luçon.
Il était militaire de carrière.
Source : archives départementales de Vendée
Fiche matricule de Bernard Piet


Sa fiche matricule donne des détails sur les circonstances de sa mort :

HF (17/11/2018)

Source pour le prénom usuel : monument aux morts de Luçon.

Source pour les autres informations : archives départementales de Vendée, fiche matricule de Bernard Piet , (matricule n° 295, vue 478/825).


samedi 17 novembre 2018

Pierre LAFFAY (1898-1918)

LAFFAY
Pierre
Aspirant
158ème régiment d’infanterie
Classe 1918
Recrutement : Seine 2ème bureau
Mort pour la France le 11 août 1918
à Echelle-Saint-Aurin (Somme)
Tué à l'ennemi
Né le 26 mai 1898
à Paris (Seine)




Parmi les officiers nouveaux-venus au 132e j’ai découvert le frère [Timothée Laffay] d’un de mes amis de faculté [Paul] Laffay, missionnaire en Nouvelle Calédonie qui a été tué à Salonique il y a quelque temps. Ça a l’air d’un très chic type. Il a un autre frère [Pierre Laffay] aspirant au regiment que je ne connais pas encore.
(Jean à sa mère – 24 mai 1918 )

L’aspirant [Pierre] Laffay est tué. Je viens de faire son enterrement sous le grand soleil au bord d’une route, et j’ai lu les paroles de victoire sur la mort. Son pauvre frère  [Timothée Laffay] ! qui était venu au regiment pour le retrouver.
(Jean à sa mère – 12 août 1918)

Je préside l’inhumation assez mouvementée de l’Aspirant [Pierre] Laffay, frère d’un de mes amis de faculté, qui avait été tué lui-même quelques mois auparavant.
(Jean Médard, Mémoires)

[Timothée] Laffay est au C.I.D. Je ne sais pas s’il a appris la mort de son frère [Pierre]. Je n’ose pas la lui apprendre.
(Jean à sa mère – 19 août 1918)

Le colonel vient de donner une permission à [Timothée] Laffay pour qu’il puisse aller voir sa famille à l’occasion de la mort de son frère [Pierre Laffay].
(Jean à sa mère – 21 août 1918)



C’est donc au détour d’une phrase concernant l’arrivée au régiment d’un des frères Laffay [Timothée], que l’on apprend la présence au régiment de son frère, l’aspirant Pierre Laffay. Et la mort, un peu plus d’un an auparavant, d’un troisième frère, ami de Jean à la faculté de théologie, Paul Laffay.

Il y avait sept frères Laffay :
- Paul (1889-1917), l'ami missionnaire de Jean, tué à Monastir en mars 1917 ;
- Pierre (1898-1918), aspirant au 132ème R.I. qui est tué en août 1918 et dont Jean fait l'enterrement par une journée de grand soleil ;
- Timothée (1891-1945), qui arrive au régiment en mai 1918 pour rejoindre Pierre ;
- Elie (1888-1964), Daniel (1896- ?), et deux frères trop jeunes pour avoir été mobilisés en 1918 : Jean (1900-1983) et Théophile (1900-1991).

Les frères Laffay étaient les fils du pasteur Gédéon Laffay (1856-1931) et d’Annette Combrisson (1862-1942).

Les registres matricules de Paris n’étant malheureusement pas en ligne, il est impossible d’obtenir plus de renseignements sur Pierre Laffay.

HF (16/11/2018)

Avec mes remerciements à Jean-François Laffay, fils de Timothée Laffay, et à son épouse Françoise Benjamine Lauriol qui publie l’arbre familial sur Généanet. Grâce à eux, le Laffay nouveau-venu au 132ème R.I., rencontré par Jean en mai 1918, a pu être identifié avec certitude comme étant
Timothée



Georges KING (1895-1918)

KING
Georges François Alphonse Eugène
Soldat de 2ème classe
158ème régiment d’infanterie
Classe 1915
Recrutement : Avignon
Mort pour la France le 29 mai 1918
à Arcy-Sainte-Restitue (Aisne)
Tué à l'ennemi
Né le 9 septembre 1895
à Orgon (Bouches-du-Rhône)




Au début de Janvier 15 j’étais affecté comme aspirant au 58ème d’infanterie à Avignon. [...] Je pouvais participer au service du Dimanche, j’étais reçu très familièrement par les deux pasteurs de la ville, l’orthodoxe Mr Autrand, et le libéral Mr Rey, qui avait été dans son jeune temps le pasteur et l’ami de Stuart Mill. Je découvrais une charmante cousine de mon grand’père Benoît, Madame King, chez laquelle je passais souvent mes Dimanches. Elle habitait à cinq kilomètres d’Avignon une belle propriété où se réunissaient autour de ses enfants une nombreuse jeunesse.
(Jean Médard, Mémoires)

Jeudi soir comme je te l’avais dit je suis allé diner avec le sergent Jauffre chez les King. Mme est veuve. Il se trouve qu’elle est cousine de bon papa par les Kleber, c’est en tout cas elle qui le prétend. Elle est aussi cousine germaine de Jules Binet [époux de Gabrielle Leenhardt, cousine germaine de la mère de Jean] et revenait d’Annonay où elle a une propriété. Elle est charmante, toute blanche avec une figure assez jeune, recevant avec la plus grande simplicité. La famille comprend outre une grosse gouvernante, un fils de 19 ans qui n’était pas là étant incorporé dans la Drome (classe 15) [il s’agit donc de Georges King], un autre fils plus jeune (celui qui m’a invité) une jeune fille qui travaille à la Croix rouge à Avignon, et 3 ou 4 petites filles. Tout ce monde là très gentil. Le soir ns rentrons en tramway sa propriété étant au moins à 5 kil. d’Avignon. Intérieur très agréable, luxueux avec sobriété. De la propriété je n’ai rien vu à cause de la nuit.
(Jean à sa mère – 23 février 1915)



Georges King était le fils de Henri King (1852-1913) et de Madeleine Fournat de Brézenaud (1871-1967). Il était un cousin extrêmement éloigné de Jean. Sa mère était en effet une cousine (à la 7ème génération ! L’engouement généalogique ne date pas d’hier...) de Caroline Leenhardt ép. Benoît, la grand-mère maternelle de Jean.

La fiche matricule de Georges King mentionne qu'il avait été promu caporal en juillet 1915.

HF (16/11/2018)

Source pour les informations familiales : Généanet, arbre en ligne de Claude Drie.

Source pour les informations militaires : archives départementales du Vaucluse en ligne, fiche matricule de Georges King (matricule n° 1522).


vendredi 16 novembre 2018

Charles GRAUSS (1881-1918)

GRAUSS
Charles
Lieutenant
339ème régiment d’infanterie
Classe 1901
Recrutement : Nancy
Mort pour la France le 29 avril 1918
à Jaulzy (Oise), ambulance 3/55
Suites de blessures de guerre
Né le 31 août 1881
à Nancy (Meurthe-et-Moselle)



















Charles Grauss

Source : Scoutopédia

Charles Grauss, né le 31 août 1881 à Nancy, fut l’un des fondateurs du scoutisme unioniste.

Issu d’une famille protestante alsacienne qui s’était réfugiée à Nancy en 1871, il suivit des études à l’École supérieure de commerce de Nancy et à la faculté de droit.

Il fut très tôt actif au sein de l’Union chrétienne de Nancy et de la Fédé (Fédération française des associations chrétiennes d’étudiants) au sein de laquelle il participe à de nombreuses rencontres internationales. Il en devient même secrétaire général en 1906 et y dirige des camps de vacances dès 1907.
En 1910, Charles Grauss devient également l’un des deux secrétaires généraux de l'UCJG (Union chrétienne des jeunes gens) [...]. C’est dans ce contexte qu’il anime, de 1910 à 1914, les camps de Domino, destinés aux lycéens et étudiants.

Il meurt au combat le 29 août 1918 à Jaulzy.



[A l’été 1914, Jean fait partie des étudiants de la Fédé qui secondent Charles Grauss au camp de Domino.]

C’est au camp de Domino que je consacrais le début de l’été. Ce séjour au bord de l’océan, dans cette île d’Oléron, alors complètement ignorée des vacanciers, avec la belle plage, dont nous étions les seuls occupants, ses dunes sauvages couvertes de pins et surtout les retrouvailles entre amis de la Fédé, tout semblait nous promettre des vacances magnifiques.
La réalité fut décevante. Le succès du camp de l’année précédente avait attiré à Domino plus de cent étudiants ou lycéens. Ceux d’entre nous qui avaient accepté des responsabilités se sentaient un peu débordés.
Malgré l’ascendant et la flamme de Charles Grauss il était difficile de rallumer l’ardeur des camps d’autrefois. Une certaine discipline s’imposait. Je passais une partie de la journée, les mains dans l’eau grasse, à diriger des corvées de vaisselle. [...]
Quelques campeurs avaient déjà quitté le camp pour rejoindre leur foyer lorsqu’a éclaté le 2 Août l’annonce de la mobilisation générale. Ce fut le jour du départ de tous les aînés, mobilisables, obligés de laisser la responsabilité et la liquidation du camp à quelques lycéens ou très jeunes étudiants. A la fin du repas de midi avant la dernière séparation, Grauss ne fit pas de discours mais se contenta de lire quelques passages des adieux de Jésus à ses disciples dans l’Evangile de Jean et le récit de l’institution de la Sainte Cène. Nous avons rompu notre pain et bu notre vin sans qu’il n’y ait aucune célébration rituelle et pourtant aucun service de communion ne m’a jamais laissé une impression aussi profonde.

(Jean Médard, Mémoires, été 1914)

[Récit par Roger Jézéquel, lycéen membre de la Fédé, des derniers jours du camp de Domino après le départ des jeunes gens mobilisés]
Domino restait le même. Le ciel bleu dominait toujours les pins, et c’étaient les mêmes dunes où nous nous étions promenés ensemble, où nous avions causé, réfléchi, prié. Le souvenir des bonnes journées restait encore et chaque objet rappelait les absents. Il y avait encore des fantômes de [Charles] Grauss, de [Pierre] Lestringant, de [Albert] Meyer, de [Jean] Médard. Nous savions que vous pensiez à nous.
Je suis moi-même parti du camp le 9 Août.

(Roger Jézéquel à Jean – 2 septembre 1914)

Grauss est dans un fort à Toul – fort Villey-le-Sec. Il est sergent et comme il n’a pas encore tiré un coup de fusil il s’est offert pour faire des reconnaissances en aéroplane. Mais il y a renoncé parce qu’il veut rester auprès de ses hommes très démoralisés. La seule chose qui l’embête c’est qu’il ne s’est pas deshabillé depuis le 2 Août. Naturellement il s’ennuie beaucoup bien qu’il essaie d’avoir de l’influence sur ses hommes.
(Roger Jézéquel à Jean – 9 septembre 1914)

J’ai reçu le « Semeur ». Et toi ? Les pages de Grauss sont vraiment belles et vraies. Ce que je lis ailleurs sur la guerre est souvent du fatras.
(Albert Léo à Jean – décembre 1914)

Mais il faut, comme je l’écrivais à Grauss, il faut absolument que cette guerre ne soit pas pour nous une parenthèse, un point de vue spirituel, mais un élément de notre vie, intégré dedans. Que serait une foi qui ne fonctionne qu’en temps de paix ?
(Albert Léo à Jean – 9 mars 1915)

[De 1915 à 1917, les mentions concernant Grauss ou sa femme, brèves la plupart du temps, sont trop nombreuses dans la correspondance pour toutes figurer ici. Ne pas hésiter à prendre contact avec moi en cas d’intérêt particulier sur le sujet.
Toutes les citations qui suivent datent de 1918, après la mort de Charles Grauss.]

Dîner chez Léo Viguier avec Mme Grauss, sa fille, sa sœur et Albert Meyer [ami proche de Jean, Albert Meyer était aussi le cousin germain de madame Grauss, née Elisabeth Meyer]. Nous avons parlé avec beaucoup de douceur de nos disparus.
(Jean à sa mère – 8 octobre 1918)

A Paris bonne journée. Quand je suis arrivé chez Léo Viguier, elle m’a donné le programme de ma journée que je n’ai plus eu qu’à remplir.
Déjeuner chez Suzanne de Dietrich avec Jeanne Bohin, Albert Dartigues et Lily Kellermann. A propos de cette dernière c’est bien ce que je t’avais dit. La moindre chose qu’on puisse dire c’est que l’attitude de son fiancé a été bizarre.
Reunion intime rue de Vaugirard avec quelques anciens de la Fédération, le souvenir de [Charles] Grauss et d’Alex [Alexandre] de Faye remplissait nos cœurs. [...]
Mme Grauss vit chez Léo Viguier avec sa sœur et sa fille. Je lui ai consacré la fin de la journée. Nous avons dîné ensemble. Elle est sereine et même souriante. Sa fille est tout le portrait de son père, c’est à en pleurer à certains moments.

(Jean à Mathilde – 9 octobre 1918)

J’ai reçu une circulaire de Melle Viguier racontant les derniers moments de Grauss. Cela m’a donné hier une triste bien triste fin de journée. Il s’est éteint si seul, sans une main amie pour le secourir mais le Père était avec lui.
(Mathilde à Jean – 9 octobre 1918)

J’espère que tu me donneras des détails sur votre rencontre avec Mme Grauss comment supporte-t-elle cette terrible épreuve ? Que va-t-elle faire ? Pourra-t-elle s’occuper de la Fédération ?
(Mathilde à Jean – 11 octobre 1918)

La libération s’approche et nos cœurs sont pleins de joie, mais dans toute l’armée la liste des morts ne cesse de s’allonger. Pendant ces derniers mois Charles Grauss, secrétaire général de la Fédé et mon ami Alexandre de Faye ont été tués. Ce n’est pas seulement dans mon amitié pour eux que je me sens frappé, mais dans mon amour pour l’Eglise car ils semblaient destinés à être d’incomparables témoins de Jésus-Christ.
(Jean Médard, Mémoires, automne 1918)



Charles Grauss était le fils de Jean Georges Grauss et de Julie Boss. Il avait épousé en 1911 Elisabeth Meyer. Ils avaient une petite fille, Ghislaine, née en 1913.

Des lettres, des dessins et des objets destinés à sa petite fille sont conservées au mémorial de Verdun.

Ghislaine Grauss est restée célibataire (on le sait car elle est remerciée sous l’appellation « Mlle Ghislaine Grauss » dans un long article intitulé Un groupe d’étudiants protestants en 1914-1918, écrit par Rémi Fabre en 1983. Elle avait alors 70 ans. (Article mis en ligne par Gallica ).


HF (15/11/2018)

Source pour le nom des parents : archives départementales de la Meurthe-et-Moselle, fiche matricule en ligne de Charles Grauss (n° matricule : 1016).

Source pour les informations sur Elisabeth Meyer épouse Grauss et sa famille : Généanet, arbre en ligne de Martine Belliard.


John BOST (1891-1918)

BOST
John François Ernest
Maréchal des logis
20ème régiment de dragons
Classe 1911
Recrutement : Bergerac
Mort pour la France le 26 avril 1918
au nord-ouest de Locre (Belgique)
Blessures de guerre, éclat d'obus aux reins et à la poitrine
Né le 29 juillet 1891
à Prigonrieux La Force (Dordogne)



A Paris quelques tristes nouvelles ; mort de 3 étudiants de la fac dont John Bost, le fils d’Henri Bost de La Force. Westphal a été très grièvement blessé, il a perdu un œil.
(Jean à sa mère – 13 mai 1918)






John Bost était le fils d’Henri Bost (1867-1945) et Emilienne Fischer (1864-1930). Et il était le petit-fils de John Bost (1817-1881) et Eugénie Meynarderie de Ponterie-Escot (1834-1887), fondateurs des Asiles de La Force qui existent encore à ce jour (Fondation John Bost), que ce soit dans leur site historique de La Force (près de Bergerac) et dans d’autres sites en France?

Jean, en 1913, avait visité les asiles avec son ami Albert Léo. Il évoque cette visite dans ses mémoires. Ils avaient été accueillis par Henri Bost, le père du jeune John Bost.
« Découverte des asiles John Bost à La Force. [Albert] Léo m’avait écrit : ‘’Il faut voir les asiles. On descend chez les Henri Bost. C’est la maison du bon Dieu’’. En effet nous avons été reçus à bras ouverts par les Bost, cinq ou six étudiants et moi. La visite des asiles a été pour moi la révélation du ‘’mariage du ciel et de l’enfer’’ l’enfer des misères humaines les plus horribles et les plus repoussantes assumées par un amour surnaturel. Après la ‘’fête des asiles’’, le jeudi, présidée par Alexandre Westphal nous avons prolongé notre séjour jusqu’au Dimanche pour participer à la fête de la Colonie à Port-Ste-Foy. Le gros Henri Bost nous transportait dans son break. Nous avons traversé le Fleix, sommes passés sur le pont du Mignon. Je ne m’imaginais pas alors que ce pays deviendrait le mien, que j’y exercerai à deux reprises mon ministère et que j’y finirai probablement mes jours. »

Avant-guerre, John Bost était étudiant en théologie.
Deux mois avant sa mort, le 18 février 1918, il avait épousé Suzanne Allégret.

HF (15/11/1918)

Source pour les informations personnelles et familiales : Généanet, arbres en ligne de Philippe Bourelly et de Pierre Jean Coustère.


Samuel WEBER (1888-1918)


WEBER
Samuel André
Capitaine
69ème bataillon de chasseurs
Classe : 1908
Recrutement : Versailles
Mort pour la France le 19 avril 1918
à Damery (Somme)
Genre de mort : blessures au combat de Cantigny
Inhumation cimetière des soldats à Damery. Tombe 17 rangée 3
Né le 14 août 1888
à Paris (4ème) (Seine)










Samuel Weber, lors de sa dernière permission

        Hier j’ai eu encore une après-midi de liberté. […] Je suis parti seul en vélo. J’ai rencontré un capitaine d’un bataillon de chasseurs de la division qui m’a abordé gentilment et a fait route avec moi. Il me connaissait très bien, je ne sais pas par qui – m’a dit qu’il était petit-fils de pasteur. Il s’appelle Samuel Weber – un nom que je connaissais et que je trouvais en effet très protestant.
(Jean à sa mère – 11 septembre 1917)
 
            Lors de cette brève rencontre, Samuel Weber dit donc à Jean qu’il est petit-fils de pasteur.
Ce sont les seuls mots connus de cette conversation vieille de presque un siècle. Mais c’est grâce à eux que peut se tirer le fil aboutissant aux informations laissées sur Généanet par Marie-Claude Nguyen-Morère, petite-nièce de Samuel Weber. 

Alors, commençons par quelques mots sur ce grand-père de Samuel, présenté, sur le site Pasteurs de France, par son arrière-arrière-petite-fille Marie-Claude Nguyen Morère. 
  
Le pasteur Hoff
Le pasteur Hoff
 
« Gustave Adolphe Hoff est né le 13 septembre 1829 à Strasbourg, dans une vieille famille de cette ville, de Michel Hoff et de Caroline, née Fuchs.
Il fait ses études au gymnase protestant jusqu’en 1846 et les complète à la faculté de théologie de Strasbourg. […] Le 4 mai 1856, il est nommé pasteur de l’église réformée de Sainte-Marie-aux-Mines, où il exercera son ministère jusqu’en décembre 1904.
L’année de son installation, il épouse Eugénie Jung, la fille ainée d’un de ses professeurs à la faculté de théologie, André Jung. Ils auront six enfants […].
Marie Frédérique, la fille ainée […] épousera le fils d’un industriel de Sainte-Marie-aux-Mines, Jacques Eugène Weber, qui lui donnera cinq enfants, dont deux seulement aussi auront une descendance, la dernière, une fille, sera ma grand-mère maternelle. […]
En 1901, G. A. Hoff est nommé « docteur honoris causa » par la faculté de théologie de Strasbourg pour ses travaux parus, pour la plupart, dans des revues religieuses, et pour ses livres sur la vie de Calvin, vie de Luther (1860, réédité en 1873), vie de Zwingli, éditée chez Bonhoure et Cie, en 1882. […] »
Il est décédé le 14 décembre 1910, à Sainte-Marie-aux-Mines.
(L’intégralité du texte est consultable ici.) 

C’est donc dans une famille alsacienne protestante que grandit Samuel Weber. Il est le fils de Jacques Weber (1856-1907), et de Marie Frédérique Hoff (1858-1943), la fille du pasteur Hoff.
La famille Weber
Au 1er rang, Jacques Eugène Weber et sa femme Marie Frédérique,
avec leur fille Marie Antoinette Weber (future grand-mère de Marie-Claude Nguyen-Morère).
Au 2ème rang, leurs quatre autres enfants, avec Samuel, entre ses parents.

            Famille alsacienne, mais chassée de sa terre natale. Dans un courriel, leur arrière-petite-fille m’écrit :
 « Samuel André Weber est né à Paris IVe, rue de Turenne. Ses parents avaient fui l’Alsace, refusant la domination allemande et le fait d’avoir opté pour la France en 1872, empêchait mon arrière grand-père de prendre la succession de son père propriétaire d’usines d’impression sur étoffes à Sainte-Marie-aux Mines.
Samuel aurait fait des études de droit et travaillait dans une étude au moment de la déclaration de guerre. Il n’était pas marié mais, bien qu’il se soit félicité de n’avoir aucune attache lors de cette guerre, il semblerait qu’une lointaine cousine avait attiré son attention. » 

En 1911, à l’issue de son service militaire, Samuel Weber était sous-lieutenant de réserve. En 1914, il est mobilisé au 29ème bataillon de chasseurs à pied. Hormis sa promotion au grade de capitaine le 20 avril 1916, sa fiche matricule ne donne malheureusement aucune précision sur le détail des services.
Source : Archives départementales des Yvelines - Fiche matricule de Samuel Weber
          Heureusement, le JMO du 69ème bataillon de chasseurs, extrêmement précis, nous informe que la compagnie Weber (8ème compagnie) rejoint le bataillon le 29 mars 1916, et mentionne, à la page suivante, sa promotion le 20 avril au grade de capitaine.
Source : JMO du 69ème B.C. - 20 avril 1916

           Le 69ème B.C. fait partie de la 56ème division d’infanterie, à laquelle appartient aussi le 132ème R.I., ce qui explique la rencontre de Samuel Weber et de Jean Médard en Alsace, par un bel après-midi de septembre 1917. La division avait été envoyée dans cette région, alors relativement calme, après les très grandes pertes subies dans les combats meurtriers de Verdun, de la Somme et du Chemin des Dames.   « Nous allons passer dans ce secteur des Vosges la période la plus paisible, la plus heureuse de la guerre. » écrit Jean Médard dans ses mémoires à propos de ces quelques mois alsaciens.

Mais ce relatif répit se termine au printemps 1918. Fin mars, en effet, la situation devient soudain alarmante : « Nous apprenons que la poche ouverte par les Allemands sur le front anglais à Saint-Quentin s’est élargie d’une manière inquiétante. […] L’officier de la division qui nous accueille semble bouleversé : la marche en avant des Allemands a été très rapide. Il n’y a plus rien pour les arrêter. » (Jean Médard, Mémoires).
La 56ème division d’infanterie se retrouve en effet brutalement au cœur des vifs combats qui se vont se dérouler à Montdidier et dans ses environs.
Le 29 mars, le 69ème bataillon de chasseurs est engagé dans la zone du village de Cantigny, à quelques kilomètres à l’ouest de Montdidier.
Source : JMO de la 56ème D.I. - 29 mars 1918

          Seuls quelques chasseurs reviennent, ayant perdu tous leurs officiers et gradés, est-il écrit dans le JMO de la 56ème D.I. Parmi eux, Samuel Weber.
Source : JMO du 69ème B.C. - 29 mars 1918
         Le 4 avril, le commandant de Forges, chef du 69ème B.C., écrit à Marie Frédérique Weber une lettre où, malgré l'espoir de façade « mais les plus grandes chances sont qu’il soit simplement prisonnier », on sent cependant planer un incontestable pessimisme : il inclut Samuel Weber parmi « les camarades que nous pleurons » et l’imparfait qu’il utilise « c’était un héros légendaire du Bataillon, un vrai chevalier du Moyen âge » suggère l'épitaphe plutôt que l'encouragement. 
           Paradoxalement, le commandant de Forges avait raison : Samuel Weber avait effectivement été fait prisonnier. Mais son pessimisme devait aussi se trouver justifié : aux mains des Allemands, il allait mourir le 9 avril des suites de ses blessures.

Dans ses mémoires, un neveu de Samuel, Daniel Jung, qui avait alors 8 ans, précise « qu’il s’était battu jusqu’à ce qu’une rafale de mitrailleuse lui eût brisé la cuisse et blessé le bras. Il était resté sur place toute la nuit sans soins puis, ramassé par des brancardiers allemands, il fut ramené dans leurs lignes et opéré dans une ambulance de campagne où on lui coupa la jambe et le bras gauche. Il mourut le 18 avril et fut enterré le lendemain. Ce n’est qu’en juillet que nous avons reçu l’annonce officielle de son décès par l’intermédiaire de la Croix rouge.»  
         En février 1916, Samuel avait écrit à l’intention de sa mère un long texte, qui ne devait être envoyé que s’il était tué au combat. Dans cette lettre, précieusement conservée par sa famille, il décrit le grand calme intérieur qui l’habite lorsqu'il envisage sa mort à venir. « Ce calme, c’est la Foi qui me le donne » affirme-t-il. Cette profession de foi, en même temps qu’à sa mère, est adressée à un moi futur : « Aussi ces lignes, si elles ne doivent pas te parvenir, devront être pour moi un témoin fidèle de mon état d’âme actuel. Si plus tard, je sentais ma foi faiblir, si j’étais amené à douter, la lecture de ces lignes, écrites en toute simplicité et en toute sincérité, me rappellera la douceur infinie, le calme profond, que ma foi en Dieu me donne devant la menace du danger. ». Quelques lignes plus loin : « Aucune prière ne sort de mon cœur pour avoir la vie sauve. Que Sa volonté soit faite ! Ma seule prière, c’est pour toi, ma chère Maman, pour ta consolation, pour ceux que j’aime et qui m’aiment. »

Tombe de Samuel Weber en 1937
au cimetière d'Hallencourt (Somme).
Debout, Daniel Jung.
        Marie-Claude Nguyen-Morère écrit qu'après la mort de Samuel, son « arrière grand-mère a interdit à chacun de parler allemand devant elle. Elle disait que les Allemands avaient laissé mourir son fils. J’ai eu en ma possession une lettre d’un prêtre qui était à son chevet et qui expliquait qu’il avait été amputé d’un membre inférieur et d’un membre supérieur par un médecin militaire allemand (il avait été fait prisonnier). Dans la nuit il aurait eu une hémorragie et personne alors n’aurait voulu se déplacer. »
Samuel Weber a d’abord été inhumé par les Allemands, puis son corps a été transféré dans un cimetière militaire français.
Il était titulaire de la Croix de guerre et de la Légion d’Honneur, qui lui avait été accordée le 6 octobre 1917. 

Mes très vifs remerciements à Marie-Claude Nguyen-Morère qui m’a communiqué avec une immense générosité un grand nombre de documents relatifs à Samuel Weber. Et qui m'écrivait, dans son premier courriel : « Si je ne l’ai pas connu personnellement, il est mort en 1918 et je suis née en 1932, j’ai passé les années de guerre (1940-45) chez mon arrière grand-mère, donc la maman de Sam, avec le portrait en pied de celui-ci surmontant ses décorations. […] Je pense être la dernière à avoir connu ceux qui l’avaient chéri et à avoir recueilli bien de leurs souvenirs. »
HF (27/01/2017) 

Source pour les informations militaires :
- Mémoire des hommes, JMO du 69ème B.C. et de la 56ème D.I.
- Archives départementales des Yvelines, fiche matricule de Samuel Weber.