A propos des "Pièces jointes"

Ces "Pièces jointes" sont un complément au blog 1914-1918 : une correspondance de guerre où sont publiées les lettres échangées pendant la Première guerre mondiale entre Jean Médard et les siens, en particulier avec sa mère, Mathilde. (Pour toutes les informations sur Jean Médard, se reporter au blog de base).

On trouvera ici un billet sur tous les amis ou camarades morts dont Jean évoque le souvenir. Pour chacun :
- sa fiche de "Mort pour la France" avec sa transcription (en bleu) ; toutes ces fiches proviennent du site Mémoire des hommes ;
- tous les textes de la correspondance et des mémoires de Jean Médard le concernant (en italiques) ;
- dans la mesure du possible, une notice biographique (dans un encadré).
Merci d'avance à tous ceux qui pourraient me communiquer des informations me permettant d'étoffer certaines notices, ou tout simplement me signaler leur parenté avec la personne à qui le billet est consacré. (Mon adresse est dans le blog de base, sous l'onglet A propos du blog.)

Les articles sont publiés dans l'ordre des décès, les morts les plus anciens se trouvent donc en bas de la liste. Pour faciliter d'éventuelles recherches, vous trouverez sous la rubrique "INDEX" une liste alphabétique, avec un lien vers chaque article.

lundi 30 janvier 2017

Jean FONTAINE-VIVE (1895-1917)


FONTAINE-VIVE
Jean Emmanuel Joseph
Sous-lieutenant
215ème régiment d’infanterie
Classe 1915
Recrutement : Lyon Central
Mort pour la France le 2 août 1917
au Chemin des Dames (Aisne)
Tué à l’ennemi
Né le 5 janvier 1895
à Annecy (Haute-Savoie)



Hier soir j’ai revu longuement [Frank] Suan. Il m’a donné de quoi lire, en particulier les vers d’un de nos amis communs, Fontaine-Vive de Lyon qui a été tué cet automne et qui est un des saints de la guerre. C’est lui qui montait à l’assaut avec ses poilus Cévenols en chantant des psaumes.
(Jean à sa mère – 6 mars 1918)

[Frank] Suan m’a fait lire un petit livre de vers et je suis tout pénétré de cette lecture ces jours-ci. C’est de Fontaine-Vive, un étudiant du groupe de Lyon, d’origine catholique que j’avais connu à Domino, et qui a été tué il y a quelques mois. Je le connaissais au point qu’il m’avait annoncé ses fiançailles avant qu’elles soient officielles, et c’est ce livre pourtant qui me l’a révélé. Il y a là dedans une flamme extraordinaire. On peut être fier d’appartenir à la Fédération qui crée des personnalités pareilles.
(Jean à sa mère – 8 mars 1918)

J’ai trouvé là [c’est-à-dire à Lyon, où Jean faisait étape lors d’un retour de permission] Mlle Marion, la fiancée de [Pierre] Lestringant, Mlle Stahl qui porte le deuil de son fiancé [Jean] Fontaine-Vive ; cette dernière est volontaire [membre du mouvement des Volontaires du Christ] depuis quelques jours. Je ne te parle pas de l’accueil chez les Zinck qui est toujours extrêmement familial.
(Jean à sa mère – 13 mai 1918)




Source : Le Salut Public du 13 août 1917
Jean Fontaine-Vive était le fils d’Eugène Fontaine-Vive et Rose Ida Crochat.

Né à Annecy en 1895, il y avait commencé au lycée Berthollet ses études secondaires. Sa famille s’était installée à Lyon pendant son adolescence, sans doute parce que son père y avait été nommé commis principal des téléphones.
Lycée Ampère à Lyon, puis études de lettres (il avait obtenu sa licence d’histoire en 1913) et de droit. Il avait été lauréat d’un concours de poésie organisé par l’Académie de Savoie.
Les lettres de Jean donnent quelques informations supplémentaires : il appartenait à une famille catholique, mais devait dès avant-guerre avoir suffisamment été impliqué dans la vie associative chrétienne pour avoir rencontré Jean dans les camps organisés à Domino (île d’Oléron) par la Fédé (fédération des associations chrétiennes d’étudiants). Il était fiancé à Olga Stahl (Jean ne mentionne pas son prénom, mais il figure dans le faire-part de décès). 

Jean semble avoir apprécié les sentiments exprimés par Fontaine-Vive dans son recueil de poèmes, publié en 1918 et dont on trouve en ligne quelques morceaux choisis :

La colline est sans fleurs et les bois sans verdure.
Tout ce qui vit, tout ce qui rit, tout ce qui dure
Semble à jamais banni du fier pays lorrain.
Et mon âme, alanguie en cette heure si rare,
Ecoute au loin la voix profonde de l'airain
Qui tonne sans arrêt vers ton antre, ô Mort-Mare.
ou :
Les ciseleurs de bagues d'aluminium.
Penché sur le burin comme un antique orfèvre,
Longtemps il médita la forme et l'ornement. [...]
L'anneau léger s'incurve, acanthe, coeur ou lierre ;
Mais le canon s'éveille et hurle à pleine voix.
Et lui, semeur de rêve en la brutale histoire,
Reprenant l'anneau clair entre ses rudes doigts.
Cisèle un peu d'amour dans un lambeau de gloire.

Redoute des Braves, Bois de H. ; septembre 1915.


Source : Archives départementales du Rhône
Fiche matricule de Jean Fontaine-Vive
Pourtant, d’après un article de Nicolas Beaupré, Barbarie(s) en représentations : le cas français (1914-1918), paru dans la revue numérique Histoire@politique, Jean Fontaine-Vive « faisait partie des “corps-francs”, groupes de combattants spécialisés dans les coups de main les plus brutaux et les “nettoyages de tranchées”, réputés pour être particulièrement transgressifs des lois de la guerre. » L’article cite le protestant pacifiste Gaston Riou qui, préfaçant les poèmes posthumes de Fontaine-Vive, écrit comme pour le dédouaner de ces soupçons : « L’atroce guerre, où nous a jeté l’ambition germanique, n’aura point fait de nous des barbares : chaque soldat peut en témoigner. »
Quoiqu’il en soit, la fiche matricule de Jean Fontaine-Vive évoque plusieurs citations gagnées pour des actions d’éclats en tant que chef d’un groupe de patrouilleurs.

A Jean Fontaine-Vive les mots de conclusion : « Tout est prêt ; mes hommes résolus, sans verbiage... si je dois mourir, douce aura été ma vie, puisque j’aurai été aimé, et que j’ai aimé plus que nul au monde. Au revoir, et, si Dieu le veut, adieu ma bien-aimée. Je tomberai sans crainte pour la France, ouvrière du Dieu de justice et d’amour. Je vous aime, je vous ai toujours aimés. Vive la France ! »

HF (10/11/2018)

Source pour les informations familiales : faire-part de décès publié dans le journal lyonnais Le Salut public du 13 août 1917, et article publié dans le même journal le 22 mars 1920 à l’occasion d’une réédition des poèmes.

Source pour le cursus lycéen et universitaire et pour les texte de poèmes : Revue savoisienne : journal publié par l'Association florimontane d'Annecyn : histoire, sciences, arts, industrie, littérature, n° du 12 janvier 1916, mis en ligne par Gallica.

Source pour l’article de Nicolas Beaupré : Histoire@politique.

Source pour les informations militaires : archives départementales du Rhône en ligne, fiche matricule de Jean Fontaine-Vive (fiche 2648, vue 327/1216).